Finalement, je n'ai pas les doigts carbonisés. La corne se fait. Ou revient, plutôt. L'index vaguement douloureux encore, mais ça ira. C'est le prix du travail d'apprentissage, des doigtés hésitants, des fausses routes, des labyrinthes qu'il me faut acquérir et connaître pour pouvoir, plus tard, tenter le diable.
Je l'apprends, surtout, lui. Dans mes silences et ses cordes graves, la limpidité des notes et les chutes loin de ses crins tendus, je trébuche, tombe, recommence sans cesse, ne me lasse jamais, ne m'impatiente jamais. Pas avec lui, je ne pourrai pas. Je l'ai trop attendu. Trop rêvé. Et il continue de me porter. De me sauver.
Le plus difficile pour le moment, mes écarts de doigts. Troisième et quatrième, l'auriculaire crie grâce. Je ne sais pas comment je vais pouvoir un jour vibrer avec une phalange aussi aplatie. Mr Cello aura sûrement une idée de génie d'ici là.....les paris sont ouverts.
Et l'archet. Qui n'en fait qu'à sa tête ou presque. Me mène la vie dure en me ramenant sans cesse sur la position du violon, renâcle, part en vadrouille sans me demander mon avis.
Je ne suis que concentration, attention, crispation parfois, instinct pour l'oreille.
Et puis quelquefois j'arrête juste de jouer pour l'enlacer. Pose ma joue sur son flanc tiède. Ecoute son âme.
Infiniment plus belle que la mienne.
Avançons.